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Bons baisers de la montagne de Noémie de Lapparent

20 Août 2010 , Rédigé par Stef Publié dans #Littérature France (chroniques)

bons-baisers-montagne-copie-1.jpgBons baisers de la montagne  
de Noémie de Lapparent   
Julliard (août 2010)
201 pages


Résumé (éditeur)

Rien de plus ennuyeux qu une station de sports d hiver quand on n a pas les moyens de se payer ni les remontées mécaniques ni la location de skis.
Pourtant, « Péril rouge », ainsi que la surnomme ses amis, a fini, faute de mieux, par accepter l invitation de ses cousins. Un soir, elle apprend l'existence d'un garçon étrange, vivant dans un chalet non loin de là, que ses parents ont tenu enfermé dans un placard depuis sa naissance.
Le jour de sa délivrance, à la mort de ses tortionnaires, Paul K., devenu adulte, a choisi de continuer à vivre seul dans sa ferme alpine, sans jamais mettre le pied dehors. Auprès des habitants de la région, il jouit désormais d une réputation de sage et malgré son isolement, on lui prête une connaissance profonde des sentiments humains ; on vient le consulter dans la détresse et chacun en ressort réconcilié avec lui-même. La jeune femme, elle, a toujours été attirée par les mystiques. C est décidé : Paul K sera son guide.
Au terme d une expédition calamiteuse, bien qu exaltante, Péril rouge parvient enfin à rencontrer l énigmatique ermite de la montagne.

Mais rien ne se passe comme prévu...

Si dans un premier temps on est séduit par la cruauté, l autodérision et l humour (noir) qui conduisent ce récit, on s aperçoit très vite qu une réflexion profonde se cache derrière le comique de situation.
Bons baisers de la montagne évoque le rôle du fantasme dans la rencontre amoureuse, interroge les limites de la prise de pouvoir sur la vie d autrui.
Des thèmes d une grande originalité qui font de ce roman une comédie à la fois haletante et subtile dont le dénouement inattendu n a pas fini de nous faire réfléchir !


L'auteur:

Noémie de Lapparent est née en 1973. Après des études littéraires, elle intègre l’école de la Fémis. Sa formation de scénariste l’a conduite à collaborer à de nombreux films. Bons baisers de la montagne est son premier roman.

Mon avis:

C'est grâce encore une fois à Blog -o-book que j'ai eu la chance de pouvoir lire ce premier roman de Noémie de Lapparent en avant première (sortie officielle le 19 août 2010). Sans ce partenariat , il est fort probable que je serais passé à côté de ce livre et cela aurait été fort dommage.

 

Je ne vais pas refaire le résumé: l"héroïne, surnommé Péril Rouge ( et qui-finalement- porte bien son surnom) est une jeune femme, actrice improbable. La neige ayant entraîné l'annulation d'un tournage, elle décide d'accepter, pour une fois, l'invitation de ses cousins à les rejoindre dans le chalet familial des Alpes. Et là, au détour d'une conversation, surgit le nom de Paul K., "l'enfant du placard", devenu adulte maintenant. Paul K avait été retrouvé, suite au meurtre de sa mère et au suicide de son père, enfermé dans un placard dans lequel il avait passé ses 24 primes années. A désormais trente ans, Paul vivait toujours, en ermite,  dans le chalet de des parents tortionnaires,  duquel il n'avait jamais voulu sortir, et était devenu une sorte de sage dans la région.
Péril Rouge, intriguée , décide de lui rendre visite....

 

Je suis rentrée dans cette histoire dès les premières pages et je me suis laissée embarquer.
J'ai adoré le style de Noémie de Lapparent, que j'ai trouvé léger , moderne imagé et de nombreux passages m'ont fait rire. Les personnages et les situations sont parfois  caricaturales, mais ceci donne un côté burlesque qui m'a plu.

Mais sous ses aspects humoristiques , ce livre est cache une réflexion sur l'amour impossible et pose finalement la question: dans quelle mesure a-t'on le droit de décider du bonheur de l'autre?

 

En résumé, une premier roman  très sympa et une auteure que je vais suivre.

Et encore merci à Blog-o-book et aux Editions Julliard (Robert Laffont)

 

Note: 16/20

 

1pourcent

 

Extrait:

 

C’était l’hiver encore. Dans mes moments de remords, je me plais à penser que tout aurait été différent si ça avait été le printemps. Un jour de mai, par exemple. Mais comment savoir ? Qui sait quel cours les événements auraient alors suivi ? Le mois de mars avait mal commencé. Des chutes de neige totalement inattendues avaient bloqué les rues de Paris, compromettant le tournage du film dans lequel je devais jouer – enfin – un joli petit rôle. Le producteur, menteur et ruiné, saisit ce prétexte pour l’annuler à la dernière minute. Pas repousser : annuler, tout bonnement. Adieu veaux, vaches, cochons. Les unes derrière les autres commencèrent à défiler de longues journées vides et chères dans des cafés parisiens désagréables, à ratiociner mon amertume. Tristes, identiques et inutiles. Même la neige ne pouvait me consoler. Je n’en voyais pas l’intérêt, hormis la regarder : tomber, puis fondre, se transformer en gadoue, disparaître, être oubliée, comme si elle n’avait jamais existé. Un sort médiocre. Pourtant, Dieu sait si j’aimais la neige, mais pas à Paris. C’est la montagne qu’il lui fallait pour pouvoir s’exprimer.

C’est alors que me revint l’invitation lancée un peu en l’air trois mois plus tôt par mes cousins germains.

Je ne croisais plus qu’une fois par an, pour le déjeuner de Noël chez ma grand-mère adorée, en Bourgogne, cette fratrie sympathique de grands bourgeois vaguement délurés, qui s’assagissaient l’un après l’autre au fil de jeunes carrières toujours brillantes et prometteuses. Nos divergences s’affirmaient avec l’âge. Je défendais les vertus de la précarité et de l’aventure, eux celles de la réussite et de la bonne bouffe. Cependant, le souvenir enchanté de nos frasques d’enfants maintenait un lien aussi mystérieux qu’indéfectible, en l’honneur duquel ils me conviaient chaque année, inlassablement, à venir passer quelques jours dans leur chalet d’un coin perdu des Alpes, tandis que chaque année, inlassablement, je déclinais. Un pur numéro de politesse, bien rodé. Sauf que cette fois, en désespoir de cause, j’appelai.

« Ça alors, Péril rouge ! Quel bon vent t’amène ? » avait entonné la voix claire à l’autre bout du fil.

« Rouge », c’est parce que j’étais l’inexplicable occurrence rousse d’une grande lignée de bruns – entre autres anomalies, d’ordre socioculturel celles-là. « Je te préviens : pas de station à moins de dix kilomètres, mais des promenades époustouflantes et un calme olympien…

– C’est parfait », avais-je répondu, soulagée. Une semaine de ski de piste m’aurait mise à sec pour les mois à venir.

C’était Charlus, l’aîné des garçons, et par ailleurs mon cousin préféré (il était d’un tempérament très farceur), qui, par chance, avait décroché. L’enthousiasme qu’il manifesta me réchauffa immédiatement le cœur.

« Ne perds pas une minute de plus. Prends le premier train. Il y a des tonnes de neige, et il fait un temps splendide. »

Deux heures et demie plus tard, appuyée à la vitre du train Corail, je savourais le passage d’une géographie à l’autre – vers la montagne, assurément. Ah ! Charlus ! Avec lui tout était toujours simple. Et gai. Il se faisait une joie de me présenter sa fiancée.

« Cette fois-ci, c’est la bonne, m’avait-il affirmé au téléphone. Enfin, je crois, avait-il ajouté, sans que j’aie pourtant fait aucun commentaire. D’ailleurs elle s’appelle Victoire. C’est un signe, non ? »

Yeux d’un bleu sec, chevelure auburn tirant artistiquement sur un blond vénitien chic et parfait : à la bise autoritaire dont ladite Victoire me salua sur le seuil du chalet, un balai à la main, je sentis qu’effectivement, cette fois c’était du sérieux. De manière générale, elle accompagnait mon cousin dans chacun de ses mouvements, visiblement très amoureuse. Ils me chorégraphièrent donc un étonnant tour du chalet à quatre bras et deux voix, insistant l’un sur la bonne humeur obligatoire, l’autre sur l’effort collectif de propreté, et finalement me montrèrent ma chambre, minuscule mais charmante, toute boisée sous le toit en pente. « La chambre des vieilles filles », se moqua Charlus, désignant du menton le crucifix de bois au mur. Comme je lui offrais une moue consternée, il ajouta : « Si tu préfères, je t’entasse avec les jeunes au dortoir. »

Je posai ma valise en souriant : « Je préfère encore la compagnie de Jésus.

– C’est tout toi, Péril rouge : Dieu plutôt que le diable. »

Cette fois quand même je dus rire. « Où sont-ils d’ailleurs, tes diables de frères et tes enquiquineuses de sœurs ? »

Comme s’ils m’avaient entendue et préféraient me répondre eux-mêmes plutôt que laisser leur frère le faire à leur place, Françoise, Alexis, Virginie, Jean-Baptiste et Clément débarquèrent à cet instant des pistes, ivres de cimes et de fatigue, dans le fracas des chaussures et des bâtons qu’on laisse tomber au sol sans égards, à bout de force. Je ne sais pas si Victoire avait déjà passé son coup de balai mais le salon, tantôt propre et rangé, d’un coup fut inondé de neige fondante, de chaussettes fumantes, de crème solaire transpirée. Pendant une heure, le temps d’un gargantuesque goûter chocolaté, il ne fut pas question d’autre chose que de « la Maudasse », des « Selles », du « Grand Frou » et du « Petit Som », de « noire », de « rouge », de « bosses », de « chute », de « tire-mes-fesses », étouffés entre deux fous rires. Pour quiconque n’avait passé l’après-midi avec eux il était impossible de rien comprendre, juste que la journée avait été bonne.

C’est au dîner que la conversation, tout en restant bon enfant, prit un tour plus mondain et que Paul K. entra pour de bon dans mon existence.

Tout commença par cette blague d’initiés au sujet d’un « autochtone gymnosophiste » qui nous laissa, Victoire et moi, sur le banc de touche. Je ne me souviens pas de la teneur de la plaisanterie, juste de l’hilarité qu’elle provoqua parmi mes cousins, et du sentiment confus que ce nom, Paul K., m’était familier.

Un nom qui, comme tant d’autres, avait été effacé depuis longtemps de ma mémoire, faute d’espace ou d’intérêt partagé. Et pourtant, il avait suffi qu’il soit prononcé une seule fois, au détour d’un dialogue anodin, dans un endroit qui ne m’était même pas familier, pour qu’il se mette à palpiter devant moi, étrangement vivant malgré l’oubli et malgré la neige qui tombait dehors, étouffant les cris et les échos. Il palpitait, comme un petit oiseau qu’on aurait dit mort de froid sur le bord d’un chemin glacé, mais qui reviendrait à la vie par la simple grâce d’une pression de notre main. Et qu’alors on ne pourrait plus lâcher. La discussion était déjà repartie sur le mariage désastreux d’une cousine éloignée mais je coupai Virginie pour poser la question. Paul K., qui était-ce ?

Était-il possible que je le connaisse ? Mes cousins me rafraîchirent la mémoire. Huit ans auparavant, un fait divers atroce avait défrayé la chronique estivale. On avait retrouvé chez un couple d’éleveurs alpins au chômage un enfant enfermé dans un placard. À la vérité ce n’était plus un enfant, mais un jeune homme de vingt-quatre ans qui avait passé toutes ses primes années à attendre que la porte de sa prison s’ouvre, une fois par jour, sur une gamelle de soupe et un quignon de pain tendus par la main « maternelle ». Son martyre avait été découvert dans de tragiques circonstances. Un randonneur du dimanche passant aux abords de la ferme des K. avait été interpellé par ce qu’il avait d’abord pris pour une tête de mouton trônant sur le sommet d’une fourche au beau milieu du champ.

 

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D
<br /> Je suis tombé sur votre blog un peu par hasard, juste après avoir fini de lire ce premier roman. Effectivement c'est une belle réussite (et je viens d'en lire plusieurs cette semaine). Il y a une<br /> voix et surtout une belle et légère réflexion, des personnages attachants, et cela donne envie de lire le prochain...<br /> Bientôt notre article dans notre rubrique LECTURES de notre site :<br /> danactu-resistance<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> <br /> je vais aller voir sur votre blog, merci pour votre commentaire<br /> <br /> <br /> <br />